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5 août 2025
Comment bien chiffrer un projet sans faire fuir le client ?

Le chiffrage, c’est souvent la première pierre d’un projet... et souvent, déjà le premier piège. Quand une opportunité tombe, on attend de nous (chefs de projet, directeurs de projet, experts, etc.) un temps de mise en place record, un prix compétitif, une promesse de qualité, et surtout, une marge à la clé que nous ne maîtrisons finalement pas. Pas simple de faire tenir tout ça dans un fichier Excel, un contrat, ou dans les rêves les plus fous de nos partenaires/prospects/clients.
Alors, comment s’y prendre pour proposer une offre réaliste, vendable, et qui laisse un peu plus qu’un goût amer en fin de mission ? Voici ma philosophie.
Qu’est-ce que le chiffrage d’un projet, vraiment ?
On parle souvent du chiffrage comme d’un simple calcul. Mais en réalité, c’est une prise de risque.
Il s’agit d’estimer l’ensemble des coûts (équipes, matos, déplacements, risques) et d’y ajouter la marge que je souhaite faire sur le projet. C’est ce montant total qui devient le devis client. Mais bien sûr, il n’a pas à connaître le détail des coûts internes.
Petite astuce utiles (pour les cas échéants) : distinguer CAPEX (dépenses d'investissements) et OPEX (dépenses opérationnelles) dès le départ permet de structurer un budget adaptées aux enjeux et cette compréhension facilite les négociations.
Construire un chiffrage qui tient la route ?

Pour faire simple, je me base toujours sur ces trois catégories :
Production réelle : estimation du temps global d'intervention par ressources
Pilotage opérationnel : temps de gestion de l'avancement et l'évolution de ce qui est mis en place (entre 15% et 30% de la production en fonction du projet)
Provisions de risques : "la poire pour la soif", qu'on peut estimer avec un matrice des risques par exemple.
C’est sur ce socle que repose toute la viabilité chiffrée d'un projet. À mon sens, il peut d'ailleurs être décliné et adapter à tout niveau ! Par exemple pour estimer la rentabilité d'un projet interne :
Coûts de production : salaires chargés, sous-traitants, coûts d’infrastructure.
Frais opérationnels : déplacements, matériel, licences.
Provisions de risques : pénalités, turnover, onboarding des nouveaux.
📌 Conseil perso : je garde toujours une petite ligne “imprévus” en plus des provisions officielles. On n’est jamais trop prudent. Et puis si c'est vraiment important pour un client "un peu juste ce mois-ci", je le prends pour moi si j'estime beaucoup le projet.
Chiffrer un projet au forfait vs. en régie
🔹 Le forfait
Budget fixe, jalons définis, pression maximale. Ici, l’erreur de chiffrage coûte cher. Il faut modéliser précisément les charges par phase et arbitrer sur les profils impliqués. D'une certaine manière, cela peut correspondre à des projets où le client peut être moins présent entre les divers jalons (travail d'équipe moins nécessaire entre le fournisseur et le client). Par contre, ça donne un sacré confort au client, et le travail commun se fait sur le résultat attendu.
🔹 La régie
Facturation au temps passé. C’est plus souple, mais attention aux dérives sur des projets longs. On est forcé de projeter l’évolution du projets, des profils (et donc des coûts) sur plusieurs années. Ne pas le faire, c’est condamner sa marge à fondre. Ici, mieux vaut créer une bonne relation avec le client, voire être vu comme un partenaire/collègue, et presque, "faire partie de la famille".
Les erreurs qui coûtent cher (littéralement)
Sauter la validation interne : toute offre doit être challengée en interne. Toujours. C’est une double assurance : stratégique et financière.
Mal évaluer les charges : trop haut, on peut perdre l’affaire. Trop bas, on peut perdre de l’argent. L’objectif n’est pas de vendre à tout prix.
Compter (trop) sur les provisions : elles doivent rester des filets de sécurité, pas des lignes de confort.
Et en Agile, on fait comment ?
L’agilité, c’est top sur le papier, mais budgétairement, c’est un casse-tête. En forfait, c’est clairement risqué : les sprints s’enchaînent, les demandes changent, et la maîtrise du plan de charge devient floue. Et je trouve cela très cohérent avec une philosophie des méthodes agiles qui consiste en un travail d'équipe, une implication permanente et donc un fort partenariat.
Ma solution donc : facturation au temps passé. Par exemple, chaque sprint a son prix, validé à l’avance. Et si le client tient vraiment au forfait, pourquoi pas proposer une approche “pseudo-agile” avec livraisons intermédiaires planifiées. Les livraisons à plus bas niveaux et très régulières, sont souvent moins prompt à débat lorsqu'il s'agit de valider leur réalisation.
Conclusion : penser marge et valeur
Un bon chiffrage, ce n’est pas juste un fichier bien rempli. C’est une promesse qu’on pourra tenir, envers le client comme envers sa propre organisation. D'ailleurs, il ne suffit pas d’avoir un bon Kick-Off. Il faut suivre l'évolution des prestations (et de sa marge également) en continu, ajuster, et être capable de redresser la barre quand il le faut.
Parce qu’au final, mieux vaut dire non à un projet qu’on ne sait pas livrer dans les clous… que d’y laisser sa crédibilité (et sa rentabilité).